Le Malar est un bateau traditionnel de la région de « Nagarbary », construit sur les rives du Brahmapoutre, juste au Nord de son confluent avec le Gange. Il se distingue de son confrère voisin, le «Balar», construit sur le Gange dans la région de Kustia, par la forme de ses Goloïs, ces pièces qui forment les extrémités du bateau.

Comme presque tous les bateaux fluviaux, le Malar est construit en «Bordé Premier», ce qui signifie que les planches de ses bords sont assemblées en forme de peau comme une cuillère vide. Ce n’est qu’après avoir atteint le liston que les charpentiers taillent les membrures à la forme des arrondis et les clouent de l’extérieur à l’aide de «Perek» (clous forgés à la main) dont la taille dépasse souvent 1 pied (30 cm). Ces clous sont recourbés à 90° deux fois de façon à ne pas pouvoir ressortir vers l’extérieur. Les planches des bordés sont taillées à la scie et à l’herminette et mises en forme après avoir été chauffées. Chaque planche est ajustée indépendamment sur le Malar.

Le toit du Malar est constitué d’un sandwich de lattes de bambou à l’intérieur desquelles se trouvent plusieurs couches de «paty », tapi de bambou et de papier goudronné maintenant remplacés de feuille de plastique. Il est fixé à la coque par un assemblage de cordage qui permet à l’équipage de l’ajuster et de le relever pour couvrir des cargaisons légères et volumineuses, tel que le jute. Le toit de certains Malarne couvre que la partie équipage car ils sont destinés au transport de bétail qui ne craint pas la pluie. Ce bateau est équipé d’un seul mat portant d’énormes voiles trapézoïdales en toile de coton à trois brins et colorées par les terres oxydées de certaines région du pays. Le système de gouverne est composé d’un énorme gouvernail de côté soutenu par une chaine. Les efforts qu’il fournit sont transmis au bateau par un jeu de cordages dissymétrique reliés à une barre dont le bras de levier dépasse souvent trois mètres de long.

Le Malar dont le gréement ne permet pas de remonter au vent profitait des vents de mousson pour remonter vers le nord, et du courant pour descendre vers le sud. La remonté en hiver, se faisait « à la bricole » (tiré depuis les bords du fleuve par l’équipage au moyen de très longues cordes). Comme pour la plupart des bateaux traditionnels des fleuves du delta, les formes et les technologies doivent remonter à quelques milliers d’années car peu d’influences étrangères ont modifiés ces types de construction. Les marchands étrangers ne remontaient que très rarement le Delta, capricieux et dangereux. Ces bateaux si fameux qui ont animés les paysages du Bangladesh et dont la flotte comptait des centaines d’unités ont presque tous disparus au profit de construction en tôles d’acier, plus faciles à assembler (par soudure) et plus économique d’entretien.

On n’en compte plus qu’une dizaine de Malar dans tout le pays de nos jours. Le « B 613 », le bateau qu’Yves Marre a racheté et rénové à son arrivée au Bangladesh, avec ses 93 pieds de long est le plus gros Malar existant. Celui-ci a été conservé précieusement dans ses lignes et malgré sa transformation en navire de croisière reste le témoignage et l’exemple de l’apogée des Chefs d’œuvres des charpentiers de Marine du Delta du Bengale.